Grand spectacle dans les rues de Toulouse avec la Porte des Ténèbres

En 2018, le Gardien du Temple avait déjà émerveillé le public toulousain. Cet incroyable spectacle de rue mêlant machines gigantesques, effets spéciaux spectaculaires dans les artères du centre-ville avait reçu un accueil triomphal. En rassemblant près de 900 000 spectateurs en 4 jours, la barre était haute. Or, la compagnie la Machine et son directeur artistique François Delarozière ont proposé, durant les vacances d'octobre, un nouveau spectacle très ambitieux.

Ce ne sont pas deux mais trois machines réunies pour une performance d'envergure unique combinant l'art de rue à leurs marionnettes mécanisées monumentales. Mises au point puis bichonnées dans les ateliers des Machines de l'Ile à Nantes ou à la Halle toulousaine, ces immenses créatures sont une démonstration éclatante de savoirs faire mécaniques et technologiques très pointus, associés à des effets spéciaux surprenants. En effet, elles ne font pas que se mouvoir, elles jouent avec l'eau, la fumée et même le feu afin de donner corps à cette histoire aux accents mythologiques.

Partons à la rencontre de ces créatures qui ont sillonnées les rues animées du centre-ville toulousain pour affronter une menace qui s'annonce terrible.

De bon matin, Asterion sillonne les rues du centre-ville de Toulouse (octobre 2024, image personnelle)

Un opéra urbain ? Mode d'emploi.

Ayant raté le précédent spectacle de 2008, nous souhaitions y assister cette année. Annoncé depuis de très longs mois, le contenu de cette nouvelle performance a été gardé secret jusqu'à sa révélation devant un public venu en masse. Ce mystère a suscité bon nombre d'interrogations, de craintes, de polémiques assurant une promotion inattendue mais efficace au spectacle.

Ainsi du 25 au 27 octobre 2024, la Compagnie la Machine a présenté la suite du Gardien du Temple. Avec une ambiance annoncée comme plus sombre au travers de son titre énigmatique "la porte des ténèbres" et la présence de la terrifiante Lillith, notre curiosité s'en trouvait aiguisée.

Dès le matin, une foule compacte dans le sillage de Lillith (octobre 2024, image personnelle)

"La porte des ténèbres" a été conçue par François Delarozière et la Machine pour inviter les spectateurs à se balader dans le dédale des rues, places et monuments emblématiques de la ville rose, capables d'accueillir ces immenses machines. Le public se retrouve donc au plus près des actions et du travail des machinistes qui donnent vie à ces personnages démesurés.

Le choix du temps long peut surprendre puisque l'intrigue s'étire sur trois jours de représentation. Déroutant en apparence, car il semble compliqué d'être présent à tous les temps forts de cette grande histoire. Pourtant, cette structure narrative en trois actes sert l'histoire et le travail des machinistes, techniciens qui préparent les scènes, les effets voire remédier aux imprévus techniques. La météo s'annonçant quelque peu tourmentée ce week-end là, aucun risque inconsidéré ne peut être pris.

Beaucoup de matériel installé en ce dimanche autour du Pont Neuf et sur les quais de la Garonne (octobre 2024, images personnelles)

Beaucoup de matériel installé en ce dimanche autour du Pont Neuf et sur les quais de la Garonne (octobre 2024, images personnelles)

Le premier jour est celui des apparitions. Les créatures semblent endormies dans des lieux stratégiques de la ville et comment à s'éveiller. Le deuxième jour voit l'intrigue se nouer et la malédiction se tisser autour d'Astérion tombant dans le piège de Lillith, cette envoûtante femme scorpion qui s'attache à le séduire. Le troisième jour est celui qui voit se rassembler les signes de la malédiction, conduire notre minotaure vers sa perte, comme dans toute bonne tragédie antique. Mais dans un dernier acte final à la nuit tombée, viendra son salut dans une mise en scène spectaculaire qui condense tout ce que la compagnie sait faire de mieux.

Heureusement, un guide a été édité et distribué aux spectateurs afin de leur présenter l'histoire, un rapide descriptif de chaque scène et surtout donner des indices sur les lieux de représentation. Les horaires et les lieux précis n'étant pas communiqués à l'avance afin d'éviter l'effet de foule et les conséquences néfastes que cela pourrait avoir. Ce sésame apparait indispensable pour suivre la narration et pouvoir anticiper les déplacements vers les lieux de représentation.

https://www.lamachine.fr/wp-content/uploads/2024/07/LIVRET-DE-SPECTACLE-GARDIENNE-web.pdf

Lien vers le livret du spectacle depuis le site de la compagnie la Machine

Foule des grands rendez-vous autour de Lillith fendant une foule compacte (octobre 2024, images personnelles)

Les trois grands protagonistes de ce spectacle XXL !

La porte des ténèbres était très attendue par les petits et grands amateurs de grand spectacle. Je vous propose de revivre la troisième et dernière journée de cet opéra urbain qui a rassemblé 1,2 millions de spectateurs au total.

Comme dans tout grand spectacle, il faut compter sur un casting de choix et la compagnie a pioché dans son bestiaire fantastique pour les plonger dans cette histoire aux accents mythologiques.

La foule s'est fortement densifiée en début d'après midi pour assister à l'avant dernier acte (octobre 2024, image personnelle)

La foule s'est fortement densifiée en début d'après midi pour assister à l'avant dernier acte (octobre 2024, image personnelle)

Ariane, l'araignée

Les spectateurs du show de 2018 connaissent déjà Ariane, cette immense araignée de 13 mètres de hauteur pour 20 mètres d'envergure. Il faut dire qu'avec son poids plume de 38 tonnes, elle ne passe pas inaperçue. Sa manipulation nécessite une armada de machinistes installés sous ses flancs. En effet, chacun d'eux dirige une patte, ainsi que d'autres pour assurer ses déplacements ou pour déclencher les effets spéciaux.

Peu présente le troisième jour, elle a joué un rôle très spectaculaire dans le tableau final de cet opéra urbain. Nous la retrouverons un peu plus tard...

Les deux araignées de la Machine, une protégeant l'entrée et Ariane à l'intérieur (décembre 2024, images personnelles)

Asterion, le Minotaure

Figure indissociable de la Halle toulousaine au même titre que l'éléphant aux Machines de l'ile à Nantes, Asterion veille sur la ville rose et se tient prêt à intervenir. Ce colosse de métal et de bois porte sur sa carapace de bois les stigmates de ses combats passés.

Débarrassé du temple qui lui permet de transporter des passagers sur son dos le long de la piste de Montaudran, il apparait encore plus fier et triomphant du haut de ses 14 mètres de haut et de ses 47 tonnes sur la balance. Il nécessite 14 animateurs pour lui donner vie en configuration spectacle. Le résultat est bluffant car il semble respirer, bouger. Il souffle de la fumée, projette de l'eau sur la foule. Ce bon gros géant fait parti des figures incontournables de la ville. L'image de sa configuration spectacle est d'autant plus spectaculaire et précieuse qu'il est équipé d'une paire d'ailes aux reflets dorés. Il apparait ainsi plus grand et majestueux !

Asterion poursuivant Lillith sur le Pont Neuf (octobre 2024, images personnelles)

Asterion poursuivant Lillith sur le Pont Neuf (octobre 2024, images personnelles)

Lillith, la femme scorpion

Il s'agit de la toute dernière machine créée par la Compagnie pour le festival de musique HELLFEST de Clisson, près de Nantes. Elle a pu y faire ses premières sorties en public durant l'édition de cet été 2024 où elle a subjugué les festivaliers.

Lorsque sa participation a été confirmée à ce nouveau spectacle toulousain, elle a suscité de vives réactions allant de l'enthousiasme car c'est la machine la plus sophistiquée imaginée par la compagnie jusqu'à la défiance liée à sa symbolique pouvant apparaitre sulfureuse.

Techniquement comme esthétiquement, Lillith est impressionnante. Dirigée par une armada de machinistes dotés de commandes sans fil et évoluant au pied de la bête, cela permet de créer des mouvements plus complexes et plus fluides. Elle joue avec l'eau et le feu pour surprendre les spectateurs. Elle a énormément contribué au succès du spectacle. Cette fascinante machine va prochainement rejoindre le terrain du Hellfest à Clisson pour vous balader pendant le festival mais également tout au long de l'année dès que la plateforme nécessaire sera installée sur son dos.

Lillith traversant la foule sur le Pont Neuf (octobre 2024, images personnelles)

Lillith traversant la foule sur le Pont Neuf (octobre 2024, images personnelles)

Le dernier acte d'un opéra urbain réussi

Avant d'aller plus loin, quelques chiffres pour se rendre compte du gigantisme de ce projet. Il aura fallu 180 machinistes et techniciens pour donner vie à cet opéra urbain de trois jours.

Lors de notre arrivée près du pont Saint Neuf, dimanche, nous avons été surpris de découvrir des nacelles de chantier positionnées en hauteur. Celles ci ont été prévue pour accueillir un orchestre qui joue en direct, comme dans tout bon opéra qui se respecte. L'idée est maligne, les spectateurs peuvent les apercevoir en train de jouer. Leur position est idéale pour charmer les créatures à hauteur de museau de Minotaure.

Les nacelles élévatrices qui accueillent l'orchestre (octobre 2024, image personnelle)

Le compositeur Mino Malan a repris quelques morceaux créés pour le Gardien du Temple, le précédent spectacle toulousain en y rajoutant de nouvelles créations. La BO est d'une redoutable efficacité, sans trop en faire mais en soulignant avec justesse les temps forts. Deux interprètes ont prêté leurs vocalises aux héros : un ténor symbolise les pensées du Minotaure tandis qu'une chanteuse plus jazzy s'est chargée d'apporter de la subtilité à Lillith.

Pour des raisons techniques évidentes, chaque personnage est accompagné dans ses déambulations par un DJ diffusant des boucles préenregistrées afin d'installer une atmosphère sonore taillée sur mesure pour chaque caractère. Un vrai défi sonore qui assure une continuité appréciable à l’œuvre !

Asterion se fraye un passage sur le pont Saint Pierre avant l'acte de l'après midi (octobre 2024, image personnelle)

Le tableau de l'après midi propose un face à face entre Lillith et Asterion sur le pont Neuf. Après une traversée laborieuse de Lillith qui peine à se frayer un chemin pour rejoindre Asterion, ils se retrouvent près de l'orchestre et entament un très joli face à face. Créer de l'intimité entre deux protagonistes aussi imposants est un réel défi et les spectateurs ne s'y sont pas trompés en plébiscitant cette dernière journée de représentation.

Un face à face intense entre Asterion et Lillith (octobre 2024, images personnelles)

Un face à face intense entre Asterion et Lillith (octobre 2024, images personnelles)

Mais que serait un spectacle de la Machine sans ses effets spéciaux spectaculaires ? Les voir fonctionner en ville prend tout son sens et apporte cette touche de féérie supplémentaire. Les machinistes sont capables de déclencher différents dispositifs créant de la fumée pour annoncer le danger, des jets d'eau pour symboliser la colère des personnages. Une colère pouvant aller jusqu'à de spectaculaires jets de flammes jaillissants de la bouche de Lillith. Un moment rare, difficile à saisir en photo mais qui a marqué les spectateurs autour de nous !

Lillith tout feu, tout flamme ! (octobre 2024, image personnelle)

Durant les tableaux nocturnes dont le grand final sur le pont Neuf, les effets de feu étaient divers, contribuant à installer une atmosphère très particulière. Et lorsque la neige se met à tomber sur les protagonistes du spectacle, lorsque des barges s'enflamment sur les flots paisibles de la Garonne, on est saisi par la beauté et la force des images ainsi créées.

Lillith s'éveille pour le dernier acte de cet opéra urbain (octobre 2024, images personnelles)

Lillith s'éveille pour le dernier acte de cet opéra urbain (octobre 2024, images personnelles)

Au terme d'une journée épique durant laquelle les machines se sont croisées, ont interagi sous le regard émerveillé d'un public conquis par cette poésie mécanique, il est temps d'entamer le grand final de la porte des ténèbres.

En ce dimanche soir, le pont Neuf est fermé au public afin de permettre aux trois créatures d'évoluer sans encombre pour ce grand final. Sous le regard des dizaines de milliers de spectateurs qui ont investi les quais de la Garonne, le dénouement approche.

Un public très nombreux s'est massé sur les quais pour admirer le final (octobre 2024, image personnelle)

Lillith tente d'assembler les trois symboles apparus durant les deux journées précédentes. Son plan machiavélique est sur le point de réussir. Mais c'était sans compter sur le courage d'Ariane qui traverse le pont pour rencontrer Lillith. Au terme d'un combat épique sous un déluge d'eau, de feu et même de neige, le symbole ne peut être complètement assemblé et le sortilège lancé sur Asterion est levé. Lillith n'a d'autre choix que de partir, laissant Asterion et Ariane maîtres des rues de Toulouse.

Quelques images de l'assaut final entre Ariane et Lillith pour sauver Asterion (octobre 2024, images personnelles)

Quelques images de l'assaut final entre Ariane et Lillith pour sauver Asterion (octobre 2024, images personnelles)

Il ne reste plus qu'aux équipes techniques et aux machinistes de venir saluer de part et d'autre du pont, le public qui leur accorde un accueil triomphal. Des milliers de flashs de téléphones s'illuminent sur le quais haut et bas. La clameur de la foule vient enfin saluer la performance des machines, de la mise en scène mais aussi celle de la chorale, de l'orchestre symphonique qui ont accompagnés ce grand final.

Le salut final des véritables machinistes et techniciens rassemblés sur le Pont (octobre 2024, image personnelle)

Prolonger l'expérience à la Halle de la Machine...

Fidèles lecteurs de ce blog, vous connaissez déjà tout l'attachement que nous portons à la Halle de la Machine. Pour les autres voyageurs de passage sur cet article, je ne saurais trop vous conseiller de vous plonger dans les précédents billets que nous y avons consacré.

Que vous soyez fins gastronomes en quête d'expériences culinaires renversantes, mélomane au sens du rythme implacable, artiste peintre un peu avant-gardiste ou un éternel enfant nostalgique des fêtes foraines d'antan, la Halle saura vous proposer toute cette palette d'émotions. La visite se fait au gré des envies et bon vouloir des véritables machinistes, seuls opérateurs habilités à manipuler ces créations uniques. Il ne fait aucun doute qu'ils sauront vous surprendre, vous émouvoir à quelques mètres de vous et non plus cachés dans les rouages des machines géantes.

Asterion veille sur la Halle et attend ses prochains passagers (décembre 2024, image personnelle)

Afin de s'adresser à tous les publics, la Halle organise des visites spéciales à l'attention de personnes malentendantes, des visites nocturnes pour découvrir le lieu dans une atmosphère plus mystérieuse. Mais également des animations pour les enfants sous forme de lecture de contes. N'hésitez pas à visiter le site officiel pour connaitre les prochaines dates de ces visites un peu spéciales qui enrichissent agréablement l'offre.

Quelques instantanés des expériences qui vous attendent à la Halle de la Machine (décembre 2024, image personnelle)

Quelques instantanés des expériences qui vous attendent à la Halle de la Machine (décembre 2024, image personnelle)

Malgré ces quelques semaines de retard dues à un emploi du temps un peu chargé, j'espère que ce compte rendu sur ce grand spectacle vous a intéressé. Je suis convaincu que cela vous donnera envie de venir assister aux prochaines performances de la Machine, avec ou sans Astérion, à la Halle toulousaine comme dans les autres lieux investis par la Compagnie (Nantes, Calais et prochainement Clisson).

N'hésitez pas à commenter cet article ou poser vos questions, j'y répondrai avec plaisir. Belles fêtes de fin d'année et à très bientôt pour découvrir le dernier article de 2024, avant une nouvelle année pleine de magnifiques surprises !