Jamais avare en visites atypiques, en septembre 2019 à l'occasion des Journées du Patrimoine, nous sommes allés visiter le genre de lieu dans lequel personne ne souhaiterait se retrouver. Et pour cause, nous nous sommes retrouvés derrière les barreaux...
Tandis que le centre pénitentiaire du Gasquinoy a fêté ses 10 ans, nous allons aujourd'hui pousser les portes de l'ancienne maison d'arrêt de Béziers située à deux pas de l'ancien Palais de Justice et de la Cathédrale Saint Nazaire. Elle a ouvert ses portes pour la dernière fois au public à cette occasion avant de connaitre une transformation et un changement radical de fonction puisqu'il est question que le lieu devienne un hôtel de luxe. Effectivement, le site traîne derrière lui une sinistre image, nous profitons donc du panorama imprenable sur la vallée de l'Orb avant de passer son inquiétante porte pour en découvrir les nombreux secrets.
Affluence étonnante devant la porte de la maison d'arrêt de Béziers (septembre 2019, image personnelle)
La visite de la maison d'arrêt
Nous attendons donc sur le plan des Albigeois et en ce début d'après midi maussade, la foule de curieux se presse devant la porte d'entrée de la maison d'arrêt, l'accès se faisant par petits groupes pour des raisons de sécurité et de gestion du flux de visiteurs. Chaque groupe est accueilli par un ancien responsable ou employé de la maison d'arrêt et parsèment leurs commentaires d'anecdotes personnelles liées au lieu.
La maison d'arrêt s'étend sur 2500 mètres carrés et lorsque vient notre tour, nous passons la lourde porte d'entrée qui s'ouvre dans un vacarme assourdissant donnant le ton pour la suite de notre visite. Nous patientons dans un espace modestement couvert par quelques tôle justes suffisantes pour nous protéger du crachin automnal. C'est ici, qu'un ancien directeur de la maison d'arrêt nous raconte l'histoire du lieu, ses origines...
La façade qui donne sur la vallée de l'Orb est recouverte de végétation grimpante ( septembre 2019, image personnelle)
L'histoire de la maison d'arrêt de Béziers
Donnant sur la place des Albigeois qui se situe au pied de la Cathédrale Saint Nazaire, la maison d'arrêt de Béziers était prévue pour accueillir les détenus pour des peines courtes ou en attendant le transfert vers un centre pénitentiaire les accueillant pour des peines beaucoup plus longues. Elle ouvre ses portes en 1867 pour être définitivement fermée en 2009 puis transférée vers le centre pénitentiaire du Gasquinoy.
Depuis le Moyen Age et le XII e siècle, la ville possède déjà une prison nommée Malapague (mauvais payeur en occitan) et parce que les autres établissement frôlent la saturation, le projet de maison d'arrêt est relancé, les travaux sont terminés en 1857 mais elle n'aurait été mise en service que dix ans plus tard.
Le lieu est tristement connu pour être la seule maison d'arrêt pour les départements de l'Hérault, de l'Aude et des Pyrénées Orientales a avoir accueilli une guillotine pour l'exécution des peines capitales. Elle est installée en 1939 et les derniers condamnés suite au meurtre d'un médecin auront la vie enlevée en 1949.
La façade de la maison d'arrêt et les tôles qui protègent l'accès à l'entrée (septembre 2019, images personnelles)
Le parcours d'accueil des visiteurs
Nous passons une nouvelle porte pour entrer dans la prison et nous pouvons découvrir les vestiges de la banque d'accueil des visiteurs. Il entraient en contact avec un officier qui les accueillait et un autre local vitré qui servait à la surveillance et à la sécurité de cette zone d'entrée.
Lorsque la prison a été vidée, le mobilier, le matériel l'a été également sauf les équipements jugés trop vétustes, ce qui confère aux pièces, aux couloirs et différents espaces de vie, un sinistre aspect. L'éclairage y est assez faible d'une part parce que les ouvertures sur l'extérieur sont très étroites et d'autre part, quand bien même elle pourrait entrer, les épais murs d'enceinte la filtrent considérablement.
Nous ne pourrons pas visiter les étages qui sont au-dessus de l'entrée car c'étaient les espaces de vie et de travail pour les surveillants et la direction. Certains lieux étant par ailleurs trop abimés pour être visités en toute sécurité.
L'espace qui sépare le mur d'enceinte de celui de la maison d'arrêt ainsi que les vestiges de la zone d'accueil (septembre 2019, images personnelles)
La zone de rencontre avec les familles.
Nous nous dirigeons ensuite vers une salle aux murs jaune crasseux mais avec une belle fresque peinte aux murs. Il s'agit de la zone dans laquelle les détenus pouvaient rencontrer leurs familles et leurs enfants. Les parloirs austères aux murs crépis d'un autre âge se trouvent juste à côté de là.
Si cette pièce triste aux couleurs d'un autre temps nous paraissent bien ternes, il s'agit pourtant du lieu le plus vivant et accueillant de la maison d'arrêt. En témoigne cette grande fresque sur un mur et le panneau " les pitchounets (les petits en occitan), cet espace est dédié aux visites et courts moments de partage avec la famille. Cette peinture aux couleurs vives et aux motifs un peu naïf apparait comme une trace d'humanité bien esseulée dans cet austère bâtiment.
L'estrade surélevée au fond de la pièce se trouve à l'opposé de la porte d'entrée, donnant la possibilité au surveillant de contrôler les échanges. Nous ressortons de la pièce pour emprunter quelques couloirs et rejoindre le sas qui permettait de séparer la partie incarcération de la partie où les détenus pouvaient entrer en contact avec l'extérieur.
Les cellules et la nef centrale
Difficile de qualifier ce passage tellement cette petite cage de fer servant à orienter les détenus vers telle un telle autre partie de la prison apparait comme inhospitalière. A travers les barreaux, nous distinguons cet immense volume central et nous prenons enfin la pleine mesure de la taille du lieu. Cette porte dessert le premier niveau de cellule. Il y en a deux autres sous nos pieds. Plus bas, se trouvent encore deux autres étages servant de zones techniques ou abritant des cellules anciennes, datant des premiers âges du lieu.
Si la prison a été vidée, les filets de sécurité y sont toujours tendus et contribuent à cette atmosphère si particulière. Il faut tout de même savoir que six mois après le déménagement des équipements et des prisonniers vers le nouveau centre pénitentiaire, cette maison d'arrêt a servi de décor au film "Omar m'a tuer" de Roshdy Zem, qui cherchait un lieu de tournage rendant compte de conditions de vie difficiles et un décor qui semblait authentique.
Le sas, les escaliers et les coursives qui desservent les cellules (septembre 2019, images personnelles)
Les cellules de la maison d'arrêt sont relativement petites (10 à 12 m2) et inhospitalières à cause des massifs murs de pierre, de l'humidité ambiante. Elles étaient prévues pour deux personnes mais à cause du nombre grandissant de condamnés à accueillir, cela pouvait monter à quatre ocupants. Certaines portes sont ouvertes et nous découvrons qu'effectivement, ces cellules sont spartiates, les toilettes sont simplement séparées du reste de la cellule par une mince cloison.
Si certaines apparaissent encore colorées avec des tons pastel, le temps et l'humidité ont fait leur œuvre. La peinture est rongée, les sols usés. Lorsque les portes sont manipulées, le fracas métallique résonne dans toute cette nef. Dans une autre cellule, ce sont des photos qui sont restées accrochées aux murs, des souvenirs de jeunesse d'un détenu qui ont traversé le temps jusqu'à nous.
L'intérieur d'une cellule spartiate ayant subi les ravages de l'humidité (septembre 2019, images personnelles)
Le niveau -1
A l'étage -1 se trouvent 20 cellules ainsi que des dépôts de marchandises, les cuisines, ou du moins ce qu'il en reste, une petite sacristie qui ressemblent plus à une simple niche dans le mur qu'à un réel lieu de culte. Au mur, un panneau indiquant le nom des détenus est encore accroché, parfois même avec le numéro d'écrou. Nous nous approchons d'une porte et notre guide d'un jour nous invite à jeter un œil à travers ce mitard pour découvrir une cellule VIP. A l'intérieur, tout est délabré et le seul luxe qui subsiste, c'est un lit simple. Un vrai traitement de faveur !
L'intérieur d'un exemple de cellule individuelle vue à travers le mitard (septembre 2019, images personnelles)
Et plus on avance dans notre exploration des entrailles de la maison d'arrêt et plus l'état de délabrement est flagrant. Les carreaux de faïence se détachent, les murs sont rongés par l'humidité, la lumière blafarde pose une lumière crue sur le lieu désaffecté...
Le niveau -2
Nous atteignons maintenant le niveau -2 avec ses 18 cellules et sa salle collective dédiée au sport. Quelques vieux accessoires sont encore présents, pour rendre compte de cette fonction à la pièce. En levant les yeux sur cette cathédrale de pierre, de béton et de ferraille, on est impressionné par ses dimensions insoupçonnées depuis l'extérieur. Nous n'avons plus accès à la lumière extérieure. Seuls les puissants projecteurs éclairent les murs, nous faisant un instant perdre la notion du temps.
L'intérieur de l'espace central vu depuis le -2 ainsi que l'intérieur d'une autre cellule (septembre 2019, images personnelles)
La cour de promenade
Encore quelques marches à descendre, nous passons à coté d'une verrière qui observe la cour de promenade. N'imaginez pas un grand espace mais plutôt une demie lune séparée en quartiers, chacun verrouillé par une porte avec de gros barreaux métalliques et du grillage, d'autres grilles sont installées au sommet de chaque quartier mais aucune vue ne donne sur l'extérieur.
Chose étonnante, la nature a repris ses droits, des arbustes et de la végétation sont parvenus à se faire une petite place dans cet espace de béton. Pas de perspective à voir sauf le bâtiment de la maison d'arrêt et ses trois étages qui dominent ces cours de promenade.
Les différents espaces de promenade de la prison, étroits, envahis par la végétation et sans perspective sur l'extérieur (septembre 2019, images personnelles)
La salle de sport, les vestiaires et la salle de douche
Nous sortons de la cour de promenade et nous découvrons l'ancienne salle de sport qui se situait au -2. Quelques reliques vieillissantes et rouillées sont encore là pour témoigner de la fonction de cette pièce. Impossible à réutiliser dans le nouveau centre pénitentiaire, alors elles sont restés là ces machines. Seule dans la pénombre de ce sous-sol. A côté, les salles de douches vétustes sont dans un état lamentable. Quelques rares touches de couleurs viennent égayer les étagères dont la salle de sport peinte en bleu et seule pièce à être inondée par la lumière naturelle grâce à de nombreuses fenêtres.
Dernière touche d'humanité avant de remonter vers la sortie, nous passons devant la bibliothèque qui permettait aux détenus d'avoir un accès à la culture. Un mur peint, aux couleurs défraichies, subsiste encore pour témoigner de l'existence de cet endroit.
Retour vers la liberté
Nous voici arrivés au terme de cette visite assez particulière. Nous remontons les étages vers le sas d'entrée. Le temps de faire quelques derniers clichés avant de rejoindre la sortie de l'établissement. Nous retrouvons l'espace qui se trouve juste derrière l'enceinte de protection le temps d'une dernière anecdote.
C'est en effet dans cet espace assez restreint, au pied de la cathédrale Saint Nazaire qu'a été installée de 1939 à 1949 la guillotine en charge des exécutions capitales pour les départements de l'Hérault, de l'Aude et des Pyrénées Orientales.
Le portail s'ouvre et nous retrouvons la liberté sous la grisaille automnale. Nous nous attendions à une visite marquante et nous n'avons pas été déçus. Cette visite nous a permis de mettre des images, des sons sur ces ouï dires et sur cette réputation terrible collée aux murs de cette maison d'arrêt jusqu'à une fermeture justifiée et compréhensible. Quant à savoir ce qu'elle deviendra, c'est une toute autre histoire dont nous reparlerons peut être un jour...
Derniers regards sur la maison d'arrêt avant de la quitter pour de bon (septembre 2019, images personnelles)
Quelques liens pour en savoir plus
Afin de prolonger la visite, je vous propose de découvrir les deux liens ci-dessous. Commençons par ce film réalisé en 2017 par les élèves de l'IUT de Béziers en partenariat avec le Photo Club, soit 8 ans après sa fermeture. Ce passionnant documentaire riche en informations et en archives rendra les photos de l'article beaucoup plus vivantes.
Bravo et merci à eux car cela m'a permis de retrouver certaines dates et chiffres que j'avais quelque peu oublié depuis notre visite.
L'ancienne maison d'arrêt de Béziers ouverte le temps d'un tournage
Dans le cadre de la Web TV de l'IUT, Kafein TV, quatre étudiants de deuxième année du DUT Métiers du Multimédia et de l'Internet de l'IUT de Béziers ont réalisé un documentaire sur l'ancien...
https://lagglo.fr/actualite/lancienne-maison-darret-de-beziers-re-ouverte-le-temps-dun-tournage/
@ bientôt pour de nouvelles découvertes !